27/07/2012 - Boom Festival (à vélo) - Idanha-a-Nova

Salut les marins d’eau douce !!!

Eh bien… Ca fait un bail que le Boom 2012 s’est terminé! J’aurais voulu poster le compte-rendu de mon trip plus tôt, que ce soit pour les boomers ou simples curieux… Mais je suis convaincu que rien n’arrive pas hasard.
Tout ça est parti d’un pari un peu fou. Si ce voyage était d’abord pour moi-même, c’est aussi devenu une cause : montrer aux autres qu’on peut faire autre chose de notre vie que de courir après les promesses de notre société. C’était l’occasion de prendre le temps de vivre et de partager, alors quoi de mieux que de partir seul sur la route ?

Je voudrais remercier tous ceux qui m’ont suivi et qui m’ont soutenu, même par de simples pensées (y compris nombre d'entre vous sur trancegoa). Merci à ceux qui m’ont permis de rêver : l’orga du boom, les boomers, toutes les personnes croisées sur la route, celles que j’ai ratées et toutes celles qui font ma vie de tous les jours.

Bref, voilà la première partie de mon rapport de voyage Boom 2012 à vélo : Berteaucourt-les-Dames – Idanha-a-nova !


C’est le 1er Juillet que je suis parti d’un petit village de la Somme pour rejoindre Idanha-a-Nova au Portugal. En trace directe, c’est 1671 km. Ce que je ne savais pas, puisque c’était mon premier trip à vélo, c’est qu’il fallait y ajouter pas loin de 30% pour faire le  bon compte. J’ai finalement parcouru 2000 kilomètres la tête dans le guidon. J’en ai fait 475 autres en bus, de Irùn à Salamanque pour éviter le pays basque espagnol et le retard : l’arrivée était prévue pour le 27 Juillet. Vous en saurez un peu plus sur ce « pèlerinage » dans un autre article.


Note: Je suis désolé d'avoir mis autant de temps pour commencer ce compte-rendu, je l'ai relu des dizaines de fois sans en être satisfait, je ne le suis toujours pas mais je ne veux pas le vider de sa personnalité, tant pis si certaines choses n'ont plus de sens aujourd'hui, ne se trouvent pas justifiées ici...

Note 2: Je vous propose d'attendre la fin des posts, ou de créer un topic annexe, pour répondre au sujet, le temps que je poste toutes les parties Smiley
Jour 1 : Berteaucourt-les-Dames -> Grand Laviers ; 43km

Je pars en retard, tout excité. Je me dis qu’il me reste 100 choses à prévoir, mais l’heure tourne, il n’est pas loin de 15h en ce 1er Juillet.
Le soleil, au zénith, joue à cache-cache avec les nuages. Il ne fait pas bien chaud en ce jour d’été…  Qu’importe !

Je pars plein d’entrain pour ce premier jour de vélo mais j’ai aussi pas mal d’appréhension. Je ne parcours que 35km pour rejoindre Abbeville, à quelques kilomètres de la côte Picarde. Je ressens déjà la fatigue. Heureusement mon vélo tout neuf file comme le vent. Ah le vent… Je le prenais déjà de face pour ce premier jour de route !
Je rencontre un groupe de jeunes et de moins jeunes qui jouent à la pétanque en ville. Je discute un peu avec eux et déjà on me dit: « Le Portugal ?! Ben t’es pas arrivé !  Faut être malade !».
Je sors d’Abbeville et 8 km plus loin je décide de me poser. Petit problème : on est un dimanche et il n’y a personne dans les rues. Je me dirige « par hasard » vers un gîte profitant d’un grand terrain.
Je pourrais bien y poser ma tente, me dis-je alors. Et quelle surprise : on m’a non seulement laissé camper là, mais en plus au levé, c’est une douche chaude et petit-déjeuner qui m’attendaient !!! Ce soir là je montais ma tente pour la première fois, le fils des propriétaires m’y aida même. Il me confiait que ce que je faisais l’intéressait beaucoup, qu’il aimerait gérer les forêts une fois sorti de l’école. Il lit Into The Wild qu’il trouve magnifique. Je commence déjà à ne plus trop croire au hasard…


Jour 2 : Grand Laviers -> Tocqueville-sur-Eu ; 65km

Je croise JPP sur la piste cyclable. Il marche en baie de Somme, ce sacré personnage me raconte alors ce qu’il fait là. L’état de son beau-père est au plus bas et il vit ses derniers instants sur un lit d’hôpital. Alors JPP marche pour lui, lui qui adorait tant la baie. Il parcourait bien 50 km ce jour là, attendant l’appel de sa femme qui lui annoncerait que la faucheuse est passée. Sacrée leçon…
Mais pourquoi JPP ? Surtout pour Je ne Paye Plus. Lui qui prenait souvent des coups avec ses amis et qui les invitait si souvent chez lui. Il les a tous perdus quand il a fait une croix sur l‘alcool pour des raisons de santé. JPP a aussi été longtemps éboueur. Il a les genoux broyés et il s’en est même fait remplacé un par une prothèse en carbone. Et croyez-moi le monsieur fait tranquillement sa marche avec le sourire. Ca, ça fait sacrément plaisir quand on sait que la route va être longue! Ca m'aidera à relativiser ce qui va arriver...

Je commence déjà à ressentir une douleur au genou : une tendinite se profile. Mon vélo n’est pas correctement réglé et je ne suis pas assez entraîné pour traîner 40kg de vélo/bagages. Je n’ai pas encore le genou flingué, le pire est à venir...
Jour 3 : Tocqueville-sur-Eu -> Fécamp ; 109km

Je n’ai pas écrit, la journée s’est finie en échouant dans une ferme où on m’a offert un coin de verdure et une douche. Quelle chance ! J’ai une bonne tendinite au genou, du genre qui vous empêche littéralement de faire un mouvement de plus…

Jour 4 : Fécamp

Je suis à l’arrêt car la meilleure des options était (déjà) le repos…

J’écris pour la veille :

Je commence à avoir froid sur cette terrasse de Fécamp. J’entends les informations à la radio et tout ce qui en sort a des airs de mauvaise nouvelle. On vous glisse de temps en temps une publicité, prends-toi ça quoi. Mais ce n’est pas l’objet du jour car aujourd’hui je me repose et je fais le point.
Hier était une longue journée, une de celles qui se fait entremetteuse mais pas pour le meilleur (ni pour le pire non plus heureusement). Elles nous rendent plus forts ces côtes, ces lignes ondulant en trois dimensions, tordues par la beauté vertigineuse des falaises de Seine-Maritime. Les côtes à double-sens on peut dire ici.
Je suis passé à Penly, devant la centrale nucléaire. Je me rappelle la mauvaise blague de Fukushima. Les villages du bord de mer sont tous très fleuris, très pittoresques. Mais pourquoi tous ces gens viennent ici en vacances avec leur téléviseur ?

Jour 5 : Fécamp -> Pont-au-de-mer; 116km

A Etretat, je rate l’église qui est au sommet de la falaise la plus au nord. Dommage, je viens de descendre à fond les ballons. Je ne remonterai pas. La vue sur le front de mer est magnifique, la prochaine falaise l'est encore plus.

Je poursuis ma route vers Le Havre. Cette ville me paraît d’abord moyenne mais laisse ensuite place à une plage intéressante. La suite est catastrophique.
Les ports sont tous plus moches les uns que les autres, les camions s’enchaînent et engloutissent la route avec férocité. L’apothéose : le pont de Normandie : malsain et dangereux à souhait pour les cyclistes. Dans un sens il y a des travaux, dans l’autre les véhicules circulent alors à double-sens. Je n’ai pas un mètre de large pour rouler sur le tablier de cet ogre. Je ne fais que cinquante mètres avant de rebrousser chemin. Ni la montée, ni la descente ne sont agréables si courtes soient elles de ce côté. Une fois revenu en bas, je passe sous la chaussée pour aller rouler du côté des travaux où la route m’appartient enfin un peu. J’effectue finalement la traversée en sécurité. Je ne reviendrai jamais ici où la nature a été violée et dévisagée…

Je dévie de ma route et je finis par arriver à pas d’heure à Pont-audemer. Je rencontre Cyr et Eric, deux frères au camping le temps d’un déménagement. Ils m’invitent à prendre mon repas à leur table pendant qu’ils jouent à Carcassonne. Je ne comprends pas, je me suis perdu ici et je ne paye pas mon camping mais le principal est là : un peu de chaleur humaine désintéressée et bienveillante.
Jour 6 : Pont-audemer ->  Bernay; 50 km ?
Comme bien sûr, je retrouve une vélo-route pour aller vers Rugles par la vallée de la Risle. Je suis cette petite vélo-route d’une vingtaine de kilomètres pour prendre ensuite la vallée de la Charentonne. Je n’avance pas, mon genou me fait souffrir, c’est très difficile. Après un appel à ma mère, je décide de reprendre la route à mon rythme et de ne plus me forcer autant. Après tout c’est les vacances bordel !

Jour 7 : Bernay -> Soligny-la-trappe ; 70 km ?

Je quitte le camping municipal où l’employé me fait comprendre que ça va être bien difficile de repartir. L’arrivée au camping s’est faite dans la douleur avec un genou qui me fait de plus en plus souffrir. Bon sang il y avait une sacrée côte à grimper pour arriver ici!  Ce soir là mon moral était à zéro mais sans compter sur le Petit Traité Sur l’Immensité Du Monde. Ca m’a fait un bien fou. Centimètre par centimètre, j’avancerai moi aussi sur cette putain de carte !

Mon point de chute déterminé pour le soir même, je suis parti tard le matin car la pluie faisait des siennes pour la première fois. Je veux dire de la vraie putain de pluie qui tâche, qui ralentit, qui te fait te mêler au temps et à l’espace jusqu’à ce que tu l’acceptes et que tu en deviennes partie intégrante. Accepte et mange, tu dois acquérir la patience qui deviendra maître-mot pour le reste du voyage.

A 5 km de mon point de chute, la boulangère comme ses clients ne connaissent aucun camping dans les environs. Après avoir consulté le bottin, j’appelle l’abbaye des moines trappistes qui est à 10km. C’est une tempête qui m’attend, un mur d’eau, je file et atteint en 25 minutes les frères qui remplissent le monde de joie et répandent la parole de dieu à travers avec de la bière (ou pas car trappiste ne veut pas dire brasseur!).
Là-bas il y a déjà quelqu’un. Perdu, comme moi, il a finalement trouvé refuge ici aussi. Gauthier va aussi au Boom Festival, mais en mobylette lui! C’est juste complètement dingue de tomber sur lui ici, dans ces circonstances. On discute, mange et fume pour enfin se coucher trop tard mais merde, ça fait du bien !! Nos affaires pendues dégoulinent de flotte, notre sommeil est profond, tout est pour le mieux.


Je n’écris pas jusqu’au 13 ensuite. Après Soligny-la-trappe et les moines, je pars pour Beaumont-sur-Sarthe où je trouvais refuge au camping municipal. L’accueil y a été excellent et j’ai pu m’y reposer 2 jours pour enfin effacer la douleur d'une seconde tendinite.
Là je décidais des 4 prochains jours pour rejoindre Oléron et ma cousine. Je passe par Châteauneuf-sur-Sarthe, Argenton-les-Vallées puis Coulon. J’échoue finalement à Mauzé-sur-le-Mignon où la tempête m’empêche d’emprunter une départementale détrempée et blindée de véhicules en tout genre…
Jour 12 – A Posteriori

Je dois arriver à Oléron, voir ma cousine et sa petite tribu. Je n’ai pas écrit pendant une semaine environ… Une semaine difficile mais qui porte ses fruits je crois. J’en suis presque sûr, je peux le faire ! Ca commence enfin à sentir le sud quand on arrive à Coulon !
J’ai passé mon temps à monter et descendre dans le Poitou-Charente, du côté de Niort. Je gagnais pas mal de temps en prenant beaucoup d’élan en descendant pour mieux grimper ensuite. J’ai traversé la Sarthe et l’Anjou, deux départements juste magnifiques ! Les rencontres et les saluts sont plein de good vibes dans ce trip, les gens me font vraiment plaisir !

Jour 18

Je me demande depuis quand je n’ai pas écrit, depuis quand j’ai perdu le sens des jours et depuis quand je capte parfaitement celui du vent.
J’ai fini de contrer le vent, ou presque. J’en ai fini de la souffrance à vélo et presque des difficultés d’orientation grâce à la « vélodyssée ». Mais ce chemin joue aussi quelques tours à mes jambes pressées, des jambes toujours plus avides de kilomètres. La plupart du temps je suis assez éloigné de l’influence de l’Homme et de qu’il fait de pire.

Comme je le prédisais (j’en faisais le pari avec moi-même), je m’endurcis.
Du voyage ne surgit plus tant de pitié ni de critiques. Je traverse des paysages fabuleux et rencontre quelques personnes que, hélas, mon égo juge encore. J’essaye de le faire se perdre lui aussi dans les milliers de kilomètres carrés que j’ai balayés des yeux, quand ils n’étaient pas rivés au goudron se jetant sous mes roues.
Je continue de lire le Petit Traité Sur l’Immensité Du Monde de Mr Tessier.  Le voyage et la route sont devenus (redevenus) eux-mêmes ? Ils ne se matérialisent plus par une simple suite d’étapes, ils ne sont plus l’addition linéaire des kilomètres affichés au compteur.
L’écriture devient un besoin, les mots s’empressent de sortir. Ils jaillissent d’une tête qui pense peu ou trop selon l’heure, selon la forme, selon la patience ou encore le paysage.

L’océan est magnifique. Sa nature, sublime, n’efface pourtant pas la bestialité profonde de l’Homme que seuls eux-mêmes peuvent corriger. Le progrès et les futilités (sont-elles une seule et unique chose dans le fond?) surgissent  de partout tels des geysers immondes, inondant les terres pures que la nature a si longtemps façonnées. Mais la nature n’a pas dit son dernier mot et elle sait que certains l’écoutent encore.
Je suis un moine-singe, fou selon moi-même et bien plus encore d’après les autres semble-t-il.
J’ai voulu plus ou moins consciemment m’infliger une épreuve que je ne surmonte finalement qu’à moitié. Mais cette moitié est belle, je l’épouse et la prend à bras le corps. Je croque à pleines dents cette pomme vivifiante. Elle est une leçon que j’espère refléter au dehors autant qu’elle me change dedans.
Jour 19 – Capbreton ; 62km

J’écoute un peu de musique ce soir, downbeat, ambiance chillout. Les gens sont plus cools là où les vagues roulent et où l’océan gronde.

Ecartons le « je », essence de l’inconscience nous prenant à son propre jeu. Laisse les vagues nettoyer cette crasse, laisse les se mélanger à celui de l’égo qui croupit. Pas de mouettes ici, le roulis tambourine encore et toujours sur une plage où les visiteurs s’improvisent amoureux de la nature… Si vraiment vous l’aimez, explorez donc d’abord le fond de votre jardin à quatre pattes, voyez quelle vie vous abritez malgré vous. Ce que vous considérez comme immonde vit à quelques pas de votre salon. La nature est partout, sous toutes ses formes. N’oubliez pas que vous en êtes vous aussi une partie.

Guimbarde sur la plage. Tu sonnes en mettant le ciel en ordre vague : il ondule, se crispe sous la note et se relâche avec le un tempo qui ralentit, il est à la fois shamanique,  bouddhiste, anarchique. Fantastique !

Jour 22
Je me lève à 9h, super grasse mat’ !!!
La veille je rencontrais quatre français qui s’étaient rencontrés par hasard. Deux groupes de 2, l’un bien sympa, l’autre un peu moins en apparence mais ils étaient simples et accessibles.
Après être repassé côté français, à Hendaye, je tombe sur un bus aménagé et un camion. Sacré surprise ! Ce sont Joseph, Carine et leur fils Stéphane sur qui je tombe, la petite famille vit en retrait de la société  et un peu à la Mad Max à cause du prix de l’essence. Ca fait 8 ans maintenant qu’ils vivent comme ça et ils en sont bien heureux ! Très sympa, ils m’offrent un verre et partagent avec moi plus que des mots : une façon de vivre et voir les choses. Quand je les quitte je leur propose un coup de main, même pécunié pour dépanner… Quel con j’ai été, à ramener les choses à l‘argent! Sur le moment le geste était pur, j’espère qu’eux ne l’ont pas vu de l’œil de la pitié. Je me rends aussi compte que ça reflète bien le fait que je suis profondément ancré dans le système…
Jour 23

Je quitte Irùn, ou plutôt Hendaye, pour rejoindre Salamanque. Il est 07h34, levé 05h15 un peu difficilement. Mais le Boom et le soleil levant boostent ma motivation !
J’ai deux étapes à planifier aujourd’hui. Il me faut, ou faudrait, un endroit où dormir ce soir. Il n’y a personne dans le bus à part deux fantômes levés aux aurores pour ce voyage motorisé. Aussi désagréable soit-il, ce trajet en bus se révèle nécessaire pour atteindre le festival à l’heure.
Je parle espagnol avec un accent à couper au couteau et mon vocabulaire est bien maigre. L’essentiel est pourtant de se faire comprendre bien que ce ne soit pas toujours facile. Dommage de ne pas pouvoir échanger plus mais je commence à tenir à une certaine part de solitude dans ce voyage. On finit par se perdre quand on échange trop, que l’on est brassé avec des milliers d’autres personnes de façon quotidienne. Triste est de constater que l’on perd bien vite son identité de voyageur pour prendre le sédentaire en pitié: parler de ses problèmes, du monde qui va mal, de la civilisation, de comment elle est et a été auparavant, des prix et finalement du manque d’humanisme des gens...
Je pensais devenir très dur avec le voyage ce qui n’est pas tant le cas. J’apprends en fait à m’exprimer moins et avec plus de simplicité, à ne plus laisser parler le faux moi, à ne plus me plaindre. Je ne suis pas plus dur en réalité, je suis plus juste, plus respectueux et plus ouvert d’esprit. J’aimerais l’être plus encore. Creuser sa propre tranchée, dans cette guerre mondiale des prix, des objets, des terres ou encore des cerveaux est presque devenu une nécessité.
Je construis plus ou moins une digue sur laquelle s’écrasent les raz-de-marée du capitalisme, comme en parle si bien Sylvain Tesson dans son bouquin : « Se faire plaisir c’est devenu s’acheter quelque chose parce qu’après tout on peu bien se le permettre. On devient facilement esclave des mots, d’expressions, de musiques et noms de personnes.».
La seule phrase que j’aime me rappeler en parlant à la première personne, que je tolère VRAIMENT, et que je ne veux pas oublier : « Qui suis-je donc pour juger ? »
C’est d’ailleurs une question qui constitue le cœur de ce que j’ai pu apprendre pendant le trip. Et qui suis-je, tout court ? Tu es un être vivant, donc vis ! Je suis mon propre Dieu, je n’ai pas de maître, j’ai le pouvoir de me détourner du négatif, de ne pas m’accrocher au passé et de ne penser qu’à ce qui m’est vital et me procure des plaisirs simples et sains.

Je croise de nouveau Gauthier à Salamanque! Il est venu en covoiturage pour aller au Boom après que sa mobylette l’ait lâché (300 bornes après Soligny-la-Trappe). Ca fait tellement plaisir de le voir ici après tout le chemin parcouru!
A l’auberge de jeunesse, je tombe sur des français qui passent leurs vacances en Espagne. On part prendre quelques verres tous ensemble. J’ai faim, on indique à la serveuse que l’on veut des tapas. Je là suis au bar pour voir ce qu’ils ont. J’ai vraiment faim et je ne me rends pas compte de tout le choix disponible. « Uno de todos! » ça fait trop de bouffe... Un vrai bon moment de partage!!
Je les quitte un pincement au cœur. J’aimerais aller au bout de la nuit avec eux…
Jour 24 – Salamanque -> La Fuente de San Esteban ; 60 km

Le camping est un vrai havre de paix. Mes voisins m’offrent à boire et un cours d’espagnol au top ! 60km aujourd’hui avec les courses. La vie ne coûte vraiment rien par ici. A Salamanque, 4€ le litre de cerveza ! Ca doit faire de bonnes cuites tout ça !
L’orage naissant s’est dissipé. Il ne sera pas arrivé sur le camping et il y a toujours du vent. Heureusement dans un sens car les 32°C se ressentent fort.
L’arrivée au Boom est pour bientôt, je suis assez excité et impatient, mais l’arrivée signifiera que c’en est fini de l’aventure en vélo… Je m’y suis fait à la solitude sur la route et à toutes ces rencontres inattendues. Après bien des jours, j’y ai vraiment pris goût à cette vie. Une petite vie sur la route quoi…
Demain 35km pour rallier Ciudad Rodrigo. Je deviens un petit tas de muscles un peu maigrichon. Le vélo est comme motorisé maintenant, avec deux pistons pour faire avancer le bousin.
Jour 25 – La Fuente de San Esteban -> Ciudad Rodrigo ; 35km

Les 35km pour rejoindre Ciudad Rodrigo n’ont pas été plus simples que les 55km de la veille. Mal dormi et mal mangé, ça ne pardonne pas ! Pour 10€ j’ai eu entrée, plat et dessert et eau ce midi, super correct !
Il fait 35°C en plein après-midi et pourtant ça reste pourtant supportable sur le vélo. La poche d’eau dans le dos est au contraire de plus en plus difficile à supporter, ça tient vraiment chaud et la transpiration ne s’évacue pas.
La vieille ville, derrière les murailles, est un lieu de rêve : paisible et chargée d’histoire. Le peu d’animation de la journée se dissipe vite le soir et laisse vagabonder l’esprit en toute tranquillité.
Les terrasses parisiennes me manquent, mais c’est bien seulement pour l’inspiration qu’elles fournissent et les personnages atypiques qu’on peut y rencontrer. Le reste n’est qu’abstraction d’un monticule des détails désagréables pour les yeux et les oreilles… Là-bas, la seule tranquillité que l’on peut trouver est oppressante et exprimée par les aspects négatifs de la solitude. Ici mes voisins de terrasse chantent gaiment et volent des sourires. Je ne sais pas s’ils revendiquent quelque chose dans leurs chansons mais les percussions avec des coquilles saint-jacques sont gaies et entraînantes. Leur joie de vivre est communicative.

Je n’ai pas vraiment envie d’être le mec qui est allé au Boom en vélo parce que ça va être difficile de garder toute la simplicité et la sincérité que j’ai voulu pour ce voyage. Si l’échange et le partage sont des clés de voutes, comment raconter au plus grand nombre l’enchantement du trip et ses surprises sans lui faire perdre son essence ? Le seul moyen c’est d’être humble à mon avis, et le voyage vivra naturellement à travers moi. Il se reflètera dans mes paroles, mes gestes et mes actes pendant les festival et longtemps après je l’espère.
Comme je m’en doutais, je suis passé au niveau méta du voyage. Si les conditions sont toujours importantes, je relativise et surtout je prends le temps de digérer les évènements et leur sens. Je ne veux pas trop connaître le comment ni le pourquoi, j’évite certaines questions. Partant du principe que le hasard est l’enchaînement de milliers de petits évènements, je n’ai plus besoin du comment ni du pourquoi. Et là, je vis. Parce que dès que l’on abandonne la relative existence des choses, de la simple matière, de la nature, on fait l’expérience par le vécu, par l’imaginaire et on commence à modifier la matrice qui fait notre monde (un peu comme dans Matrix quoi).
Ce qui existe est bien référencé, catalogué, expliqué, décrit et il est finalement rangé dans « la bonne case ». Pourtant on devrait toujours être prêts à se faire surprendre. Surtout pour ce qui est de l’interaction avec les gens. Cela ne peut pas se prédire et n’est pas non plus le fruit du hasard. Cela n’appartient qu’aux personnes en question, avec un état d’esprit particulier.
Jeudi 9 Août

Train intercités pour Paris. Le voyage est terminé. Il se termine ? J’ai l’impression qu’il ne se finira pas aujourd’hui, là, maintenant. Mon esprit sera toujours sur la route, perdu dans un vallon du Calvados, dans un doux creux du Poitou-Charentes, écrasé par un soleil infatigable ou par une pluie battante… Un vagabondage infini, dont l’interminable chemin aux routes tarabiscotées provoque la surprise et l’inattendu. Je l’ai pensé, je l’ai provoqué, je l’ai eu, ce voyage magique !
Ce qui caractérise le mieux le « wanderer » ? La patience. Cette qualité qui fait résister, s’accrocher dans ses chaussures et agripper son vélo quand la route est dure, le temps contrariant, l’estomac vide ou le mental brisé. Celle qui nous dit que la prochaine rencontre peut-être sera extraordinaire, qui apprend à ne pas rester dans le négatif, qui fait vivre pour toujours le positif.
C’est de cette hargne qui s’installe peu à peu que l’on se nourrit quand la faim est là.
C’est la constance de l’attitude positive qui fait toujours se diriger vers l’autre et qui apprend à ne pas attendre quelque chose. La seule chose que l’on peut attendre en retour, c’est que l’autre prenne ce que l’on a à lui donner. Parce que l’autre appréciera certainement ce qu’on lui offre à partir du moment où on y met du bon.

Relativiser. Ne pas juger. Imaginer. Espérer, mais pas demander en retour.
Rêver. Positiver. Panser. Poursuivre. Vivre. Survivre. Aimer. Esquiver. Profiter. Faire l’expérience de. Dire oui. Ne pas laisser de place à ce que l’on ne veut pas, inutile.
je pense m’exprimer au nom de tout le forum en te posant cette question :

avais tu mis une selle ?
Il existe des choses que l’on ne peut conter qu’à l’aide de mille mots. Des choses parfois si compliquées, si tordues mais si justes.
On n’écrit pas la route mais on l’use, on ne récite pas le voyage mais on le vit. Pourtant, les mots sont eux aussi trop beaux pour qu’on les laisse tranquilles et bien rangés. Impossible de les poser dans un coin de sa mémoire ou sur une photo perdue dans un album.
L’itinérance a de ça qu’elle vous poursuit partout où vous allez et surtout dans la sédentarité. Il faut se laisser rêver à vagabonder dans des contrées alors loin des yeux. La sédentarité c'est fondre de mélancolie, parfois, mais toujours savoir que chemins, impasses, raccourcis, côtes, contreforts ou falaises sont inscrits dans l’éternel, sont intemporels et infinis. Ils ne disparaîtront que lorsque l'on décidera de les oublier, mais ils persisteront sur les cartes. Ils attendent patiemment...


Quelques mots sur le festival en lui-même après ce mois de voyage en vélo:

Le Boom était simplement magique, hors de l'espace et du temps.
Les journées bouillantes et ensoleillées laissaient place à la fraîcheur d'un paysage complètement modifié et à la psytrance dont les adeptes inquiétaient gentiment quelques personnes bien loin du concept.
Quel plaisir de partager un dancefloor hallucinant sur des kicks aussi propres et que puissants!
Je me revois en trance pendant que Kindzadza allumait la scène: j'étais littéralement attiré par la masse en rythme. J'étais un élément à part entière, participant au tout.
Que de belles rencontres, que de surprises à nouveau...
Les décors sublimes et le lac finissaient d'apporter cette touche bien particulière au festival. Un festival simple et grandiose, où personne n'est VIP et où tout le monde participe au même titre qu'un autre.
Seule chose difficile: suivre la programmation et aller aux différentes animations. On prend vite des rythmes décalés et inconstants, et on n'a beaucoup moins le sens du temps qui passe au delà du concept de jour et de nuit ahah

Rendez-vous est pris pour 2014!!!

Merci de m'avoir lu Smiley
psychotrop wrote :
je pense m’exprimer au nom de tout le forum en te posant cette question :

avais tu mis une selle ?


Je prends ça assez ironiquement...

Beaucoup de gens étaient intéressés par mon voyage et mon contactent toujours, si c'est trop long tu peux lire le premier post et le dernier, ça te donnera une idée du trip et de ce que j'ai vécu en participant au festoche de cette façon.
psychotrop wrote :
(...) une selle ?


Smiley

@ Le Matelot, j'attendais ton flim sur le cyclimse avec impatience  Smiley Merci pour le partage  Smiley
Merci beaucoup pour ton récit  Smiley
Beh merci à vous de me lire Smiley
J'ai raccourci un peu au passage, je vous laisse avec le scénario du film Smiley
Merci pour ce récit et le partage de tes états d’âme.   Smiley
Génial amigo, merci pour le rêve et respect Smiley
homme aux semelles de vent....
je vais tout lire, promis!
Smiley  génial!
et quelle belle écriture!
Bravo le matelot  Smiley  Smiley un beau périple pleins de souvenirs et de belles rencontres  Smiley
Ca m'a fait délirer que tu passes près de Rugles (il faut le prononcer à l'anglaise  Smiley) connaissant un peu le coin  Smiley
C'est un très beau projet que tu as su accomplir avec succès  Smiley
Pour les tendinites... C'est une autre histoire : il faut souffrir pour  Smiley
Le but a été atteint  Smiley
A quand la prochaine expédition ?
Hisse et ho, Matelot  Smiley
Smiley Purée , dès que j'ai un moment , je fini la lecture , chapeau , c'est pas forcement evident d'entreprendre ce genre de trip .... Smiley
J'ai bloqué sur Rugles aussi  Smiley pas loin de mes années BTS...
et t'es passé par Beaumont s/ Sarthe  Smiley là on est déjà beaucoup + près de chez moi  Smiley

Encore et encore merci + 1 bis repetita
Bravo, merci pour ton récit un exemple a suivre !
Flower Power wrote :
Bravo le matelot  Smiley  Smiley un beau périple pleins de souvenirs et de belles rencontres  Smiley
Ca m'a fait délirer que tu passes près de Rugles (il faut le prononcer à l'anglaise  Smiley) connaissant un peu le coin  Smiley
C'est un très beau projet que tu as su accomplir avec succès  Smiley
Pour les tendinites... C'est une autre histoire : il faut souffrir pour  Smiley
Le but a été atteint  Smiley
A quand la prochaine expédition ?
Hisse et ho, Matelot  Smiley


Eh ben quoi de mieux que de remettre ça cet été???  Smiley
le_matelot wrote :


Eh ben quoi de mieux que de remettre ça cet été???  Smiley


Je te sens motiver pour des tendinites  Smiley Tu fais le même itinéraire ? un peu de changement s'impose  Smiley mais si tu passes près de la Neuve-Lyre : fais signe et on te logera sans prob et avec grand plaisir  Smiley
Je t'accompagnerai en vtt sur qqes kms lors de ton départ ensuite je te laisserai voguer au grés du vent  Smiley pour de nouvelles aventures
Merci d'avoir partager avec nous ce voyage et tes sentiments!  Smiley c'est trés bien écrit et ca donne envie!!  Smiley Bravo!
Flower Power wrote :


Je te sens motiver pour des tendinites  Smiley Tu fais le même itinéraire ? un peu de changement s'impose  Smiley mais si tu passes près de la Neuve-Lyre : fais signe et on te logera sans prob et avec grand plaisir  Smiley
Je t'accompagnerai en vtt sur qqes kms lors de ton départ ensuite je te laisserai voguer au grés du vent  Smiley pour de nouvelles aventures


Et ben écoute ce serait avec grand plaisir! Je te remercie!! Je n'ai pas encore fait mon itinéraire, il y a quelques endroits où j'aimerai repasser mais un peu changement serait sympa en effet Smiley
Waouh ça donne bien envie de se taper le trip après t'avoir lu !!
Quoique perso je verrais bien le trip en marchant à la mode pélerin, dois y'avoir moyen de suivre la même route que les pélerins cathos de saint jacques en plus haha.
En tout cas j'envoie un lien de ton récit à un pote fan de vélo et de trance ça le tenterai bien je suis sur !!
Smiley  merci Le Matelot, super récit qui donne envie!  Smiley
oui bien sur malgré les tendinites, les pneus crevés sous la pluie ou les moments de doute Smiley beau périple merci grace à toi j'ai le printemps dans les yeux

ce vagabondage, cette plénitude, acceptation de soi ou liberté d'errance, est pour moi la seule façon de voir comment on s'appréhende, comment on s'apprend..

hors des très nombreuses limites sociétales et des maisons-boites carrées qui s'empilent mieux


si tu me permets qqs anecpotes :

un ami que beaucoup connaissent ici, notre Cher Fayc le Ouff  Smiley , qui j'espère ne m'en voudra pas de parler de lui ici, part parfois seul en foret 10 jours ou plus, avec presque rien + mini tente, un peu d'eau et de bouffe et c parti pour se régénérer  Smiley
il trouve tout après sur place,, ptite grotte pour s'abriter, rivière, racine ou fruits à manger, etc..
une fois il a rencontré un ermite vivant depuis qqs années dans une micro maison abandonnée (jsute 4 murs) ,, mec sympa mais qui n'avait pas vu de monde/gens depuis trop longtemps.. un peu trop largué pour le coup

un ami très proche, est parti 15j seul en rando g20 (corse) ,, très physique, et notamment totalment seul pendant 6j où il n'a rencontré absolument personne,, il m'a dit avoir eu des moments intenses où il faisait partie de l'univers,, comme si sa rando était programmée par l'univers et que où il marche était averti de sa venue ET l'attendait comme un élément à part entière
(un peu comme si le bruit de ses pas ne faisait plus de "bruit", mais s'intégrait parfaitement avec les sons naturels)
et des heures à regarder le soleil se coucher, ou la Nature vivre simplement
il a faillit ne pas redescendre
quand il a revu les premiers gens, le premier "bonjour" et paroles depuis longtemps ont été "un supplice", comment expliquer, raconter, l'inexplicable..., il a faillit remonter  Smiley